Sentiers de FoiVolume 05 - no 12

Le récitatif biblique : quand la Parole prend corps

Jocelyne Hudon
Au début, Louise Bisson1 donnait des formations en récitatif biblique aux enseignants, qu’ils recevaient comme un moyen de rendre la Parole de Dieu plus vivante dans les classes.
Au début, Louise Bisson1 donnait des formations en récitatif biblique aux enseignants, qu’ils recevaient comme un moyen de rendre la Parole de Dieu plus vivante dans les classes. Mais pour elle, l’objectif était que cette parole s’imprime profondément dans le cœur des apprenants. Petit à petit, monsieur et madame Tout-le-monde se sont inscrits essentiellement pour se nourrir de la Parole de Dieu. Le récitatif biblique est donc devenu une discipline de cheminement spirituel dont la visée est la croissance dans la foi et la maturation humaine et spirituelle. Qu’est-ce que le récitatif biblique? C’est un passage intégral de la Bible sur lequel on a mis une mélodie et des gestes. Il est très difficile d’illustrer cette pratique avec des mots. Par une approche multisensorielle, on imprime un passage biblique dans le corps. Tout l’être est touché, imprégné, pétri par la Parole. Celle-ci se transmet d’une personne à l’autre pour que le Souffle saint agisse autant par la personne qui transmet que par celle qui reçoit. Présentes les unes aux autres, de vivant à vivant, les personnes s’instruisent mutuellement. On apprend en se balançant doucement. Ceci permet à la mélodie et aux mots de s’inscrire plus fortement dans la personne. Comme pour les comptines enfantines apprises lorsque nous étions bercés. Elles sont bien gravées dans la mémoire! Petit bout de phrase par petit bout de phrase, on répète les versets jusqu’à les savoir par le cœur. Des gestes sobres soutiennent le récit. Ils sont soigneusement choisis pour appuyer les mots. Il ne s’agit pas de « mimer » la Parole, mais de permettre aux gens d’entrer dans le déroulement du récit par un appui supplémentaire aux mots. Le geste devient ainsi parlant en lui-même. Le récitatif biblique met tout l’être en mouvement. Comme le rappelle celle qui a fondé l’Association canadienne du récitatif biblique : « On ne vise pas d’abord l’expression, mais bien l’impression de la Parole dans le coeur2. »

« C’est une Parole qu’on mange et qui fait grandir. C’est la Parole, telle qu’elle est, qui vient te rencontrer tel que tu es, en entier, pas seulement ta tête. » Louise Bisson

Le récitatif biblique est arrivé au pays par Louise Bisson. À 20 ans, assoiffée d’Évangile, elle étudie en théologie « non pour travailler en pastorale, mais pour mieux comprendre les Écritures », confie-t-elle. Elle enseignait l’expression corporelle. « J’étais capable de faire bouger les gens, dit-elle, mais mon côté verbal était complètement à zéro, en-dessous de zéro. Dans mes cours, une amie parlait. Moi, je n’avais rien à dire, je ne savais pas comment dire. Lire la Bible résonnait fortement en moi et me permettait de mettre des mots sur ce que je vivais. » Un jour, elle a vu un missionnaire proclamer la Parole en récitatif biblique. « Il avait utilisé en même temps le non-verbal, le corporel (ce que j’enseignais) et ce que j’aimais le plus : lire la Bible. Ce fut le coup de foudre. » En jouant avec son petit frère, elle chante « la maison bâtie sur le roc », premier récitatif qu’elle a appris de ce missionnaire. « Eh bien, dit-elle, le lendemain, il le chantait en jouant avec ses camions! J’ai compris à quel point c’était vrai! » Touchée très profondément, elle part en Europe rencontrer Gabrielle Baron, proche collaboratrice de Marcel Jousse3, fondateur de la rythmo-catéchèse. Elle y apprend dix-neuf passages bibliques. Le Souffle saint ne la quittera plus. « J’ai été guidée tout le temps. Je ne voulais pas aller dans cette direction. Je voulais apprendre pour moi », dit celle que l’enchaînement des événements a conduite à en faire sa principale activité professionnelle. De retour au Canada, des étudiants en théologie lui demandent de leur enseigner ce qu’elle a appris. Ils découvrent rapidement que Jousse a travaillé avec une traduction la plus intégrale possible, donnant des phrases comme « Quiconque écoute mes leçons que voici, et qui fait celles-ci, à quoi sera-t-il comparable? » Ces étudiants passent donc chaque texte au peigne fin, le remaniant pour que les traductions soient à la fois aisément recevables et proches du texte premier. L’intégration affective et psychologique de la Parole, c’est-à-dire l’imprégnation de son action dans notre être et nos vies, est l’apport le plus original et le plus caractéristique de cette discipline. Toutes les facettes de la personne sont sollicitées, dont l’intelligence pour l’approfondissement du passage. On explore et creuse le sens du texte à l’aide de commentaires bibliques qui nous ouvrent l’esprit. On ne vise pas d’avoir tout compris du texte, mais d’être saisi par la Bonne Nouvelle qu’il révèle4. Le biais choisi pour cet approfondissement vise à conduire les gens le plus adéquatement possible vers l’intégration affective et psychologique de la Parole. Des activités d’intégration font appel aux symboles : objets, images intérieures, jeux, associations, arrêt sur geste – c’est-à-dire demeurer dans la position d’un geste pour ressentir ce qui se passe quand nous faisons ce geste : qu’est-ce que cette position dit de moi? qu’est-ce que la facilité ou la difficulté à y entrer révèle? Elles permettront à la Parole de faire son chemin dans le mystère de chaque personne, dans son langage et sa manière propre d’aborder le monde. Il s’agit de se laisser mettre en mouvement par des activités d’intégration psychospirituelle variées. « On ne vise pas à être accompli, mais à être en chemin5. » Qui le pratique? On l’enseigne aux individus et aux groupes, petits ou grands, femmes, hommes, jeunes, enfants. Des personnes paralysées se disent mises en mouvement intérieurement par cette Parole vivante. Les formations se donnent aux francophones à travers le pays et hors du Canada6. Qu’est-ce que le récitatif a fondamentalement changé dans la vie de Louise Bisson? « Ça m’a construit avec des matériaux de qualité. J’étais vide de mots et ça a rempli ma vie, habité mon univers intérieur. J’ai composé ma propre Béatitude, qui venait combler mon manque de mots : "Heureux les sans-parole, car ils proclameront la Parole." Je deviens en connexion avec ce qui se passe dans ma vie, dans le monde. Ces connexions ne passent pas par une réflexion intellectuelle, mais par des liens intérieurs qui viennent à moi parce que le matériau biblique est là. Mais pardessus tout, ça m’apprend l’écoute. Je suis toujours surprise de ce que ça révèle à chaque personne! Des aspects auxquels je n’aurais jamais pensé! Je ne peux jamais enfermer la Parole dans un sens. À cause de l’expérience qui lève devant moi, je n’ai jamais fini d’écouter les gens. » Écrire sur le récitatif, en parler, ne peut pas remplacer l’expérience de la Parole qu’on « pratique » corporellement. Elle trace en nous son chemin de sens, et son intensité illumine l’être récitant en le saisissant au détour de la répétition.

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