Sentiers de FoiVolume 01 - no 16

Une spiritualité de l’inclusion

Jean-Philippe Perreault
En pleine époque de « magazinage » spirituel, pourquoi connaissons-nous davantage les spiritualités orientales que les spiritualités autochtones d’ici? Telle est la question que nous avons posée à Georges E.
En pleine époque de « magazinage » spirituel, pourquoi connaissons-nous davantage les spiritualités orientales que les spiritualités autochtones d’ici? Telle est la question que nous avons posée à Georges E. Sioui, professeur agrégé et coordonnateur du programme d’études autochtones à l’Université d’Ottawa. Né à Wendake, en banlieue de Québec, historien, poète et essayiste, monsieur Sioui est depuis de nombreuses années impliqués dans la vie des communautés autochtones. SDF – Comment expliquer la méconnaissance des spiritualités autochtones? G. E. S. – Il faut se référer à l’histoire, à plusieurs siècles de marginalisation, de négation des spiritualités autochtones. Pour tout dire, ce sont des visions du monde qui se sont opposées : la vision circulaire des peuples autochtones et linéaire des Européens. En fait, c’est l’élite européenne de l’époque qui est en cause. Il y a eu beaucoup d’Européens qui ne faisaient pas partie du pouvoir et qui se sont intégrés aux sociétés autochtones. Les Français ont créé le terme « s’ensauvager » pour parler de cette réalité. Les missionnaires étaient contrariés de voir des Français qui, au lieu d’aider à la conversion, traversaient dans l’autre société. Quand les néo-Français reprendront le Canada en 1632, les Jésuites ont rapidement sorti tous les Français qui vivaient dans les villages hurons et algonquins de façon à couper les rapports entre les deux civilisations et ainsi pouvoir mieux embrigader les autochtones. Pourtant, dans la vision circulaire, la création d’extensions avec les autres, humains et non-humains, est toujours possible. Il s’agit même du génie de ces civilisations que d’inclure, alors que la vision linéaire ne permet pas ce type d’ouverture. Dès leurs premières rencontres, les Autochtones ont démontré leur volonté de former une société avec les Européens. Ce n’était pas un réflexe de rejet, mais d’inclusion qui, malheureusement, n’a pas été réciproque, car les autorités coloniales et religieuses ne le voulaient pas. SDF – Comment éviter de poursuivre encore cette même négation? G. E. S. – Je crois qu’il faut commencer avec les jeunes générations. Les enfants jouent avec n’importe quel autre enfant avec qui ils se trouvent en contact. Ils ont plutôt le réflexe de découvrir l’autre dans ses particularités; plutôt rire et jouer que juger et exclure. Si on crée des formes d’institutions éducatives où il n’existe pas ces barrières religieuses et sociales, je pense que le résultat pourrait être beaucoup mieux que ce que nous avons vécu jusqu’ici. SDF – Comment les Autochtones christianisés vivent-ils à la fois une forme d’identité chrétienne et une identité autochtone? G. E. S. – Il n’a jamais été difficile pour les Autochtones de pratiquer ou de concevoir une religion syncrétique. Encore une fois, la vision circulaire permet d’accueillir et d’accepter l’autre en considérant la richesse de ses traditions. Au-delà des raisonnements pratiques et des enjeux politiques entourant leur conversion au christianisme, il y avait une capacité de voir l’autre comme possédant un héritage utile. Quand on parlait de Jésus, il était compris comme un très grand sage, tout comme il en a eu dans les cultures autochtones. SDF – De l’extérieur, on a l’impression que les jeunes générations autochtones souffrent d’une crise de transmission de la culture traditionnelle. Le véritable enjeu n’est-il pas là? G. E. S. – Quand cela fait trois, quatre, cinq générations que quelqu’un te tape dessus en te disant que tout ce que tu sais, il faut que tu l’oublies parce que c’est diabolique, on finit par, sinon le croire, être à tout le moins confus dans ce que l’on est. Du coup, on se retourne non pas contre les autres, mais contre soi-même en niant sa propre valeur. Il faut absolument que les autres viennent nous dire que nous ne sommes pas sans valeur, qu’il ne faut pas perdre ce que nous sommes et qu’il y a là un héritage à transmettre à nos enfants. Il faut que les Autochtones soient encouragés de l’extérieur. Ils doivent savoir qu’ils ont un rôle à jouer, qu’ils ont une contribution à apporter. Bien souvent, les communautés autochtones sont prises dans leur propres discours ou visions politiques. On leur a enseigné qu’il fallait s’éloigner et se méfier des Blancs. On en est venu à penser presque comme l’oppresseur. Au départ, on avait une capacité de se tourner vers l’autre, de vouloir faire corps avec l’autre. On a perdu cette dimension, on est devenus des linéaires, définis par la compétition et l’individualisme. SDF – Quel est le préjugé le plus tenace à l’égard des autochtones? G. E. S. – Celui qui veut que les peuples autochtones soient retardataires, contre le progrès et qu’ils veulent être tranquilles dans leur bois avec leurs beaux animaux. Dans le fond, les animaux, il n’en reste plus beaucoup maintenant, et les Amérindiens n’ont jamais voulu être seuls et isolés. Ce sont des mythes. Voilà pourquoi les politiques viennent toujours sous la forme d’autonomie gouvernementale, sous la forme d’isolement culturel et social alors que les Autochtones eux-mêmes ne désirent rien plus chèrement que de participer, de contribuer à la société, de faire partie du monde. Les jeunes Autochtones qui se suicident par dizaines dans les communautés du nord veulent tout simplement vivre au rythme du monde, au rythme des autres jeunes. Ils ne veulent pas que l’on projette d’eux une image de gens qui confortent le stéréotype de l’indien qui chasse et qui est heureux dans le bois; ça a déjà été vrai, il y a très longtemps, et ça ne l’est plus.

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