Sentiers de FoiVolume 10 - no 138

La vie en abondance

Jean Bellefeuille
Certains préfèrent la grand-route.
Certains préfèrent la grand-route. Elle est sécuritaire, bien balisée, sans problème si on suit religieusement le code de la route. On n’y rencontre que des gens à leur affaire, polis, courtois, prêts à nous dépanner s’il le faut, mais pas trop souvent. On est pressé, on a son agenda à respecter, ses objectifs à atteindre, on ne perd pas de temps. La grand-route, maintenant, évite les villages avec ses bosses, ses trous, ses stops, ses piétons qui traversent lentement, le camion de la poste qui nous bloque le chemin.
« Je ne suis pas venu pour les bien-portants, mais pour les malades. »
Mais Claude Gosselin n’est pas du genre « grand-route ». C’est le gars qui préfère les chemins de côté, les sentiers peu fréquentés où on rencontre aussi des gens peu fréquentables, les « malpris » de la vie, les familles non fonctionnelles, les couples en difficulté, les chômeurs, les jeunes sans espoir. Pour lui, ce sont eux les préférés de Dieu. « Je ne suis pas venu pour les bien-portants, mais pour les malades1. » C’est dans ces privilégiés de Jésus que Claude voit le visage de Dieu, « Celui que mon cœur aime2 ». Claude donne une autre image du prêtre, comme François donne actuellement une autre image du pape. L’image d’un pasteur qui s’occupe de ses brebis et particulièrement de celle qui s’est perdue. Pas l’image du gardien de la foi et des mœurs, pas l’image du fonctionnaire de l’Église qui jauge les gens à leur fidélité à suivre les rites, les commandements. Il n’est pas contre, comme le père du prodigue n’était pas contre son fils « fidèle », mais il se réjouit plutôt de pouvoir être une bonne nouvelle pour les perdus de la vie, d’être le Samaritain. Son modèle? Le Christ d’Emmaüs. Pas le Christ « à la droite du Père », mais le Christ sur les chemins où vont les gens qui cherchent, qui doutent, qui souffrent. Le Christ qui accompagne, qui écoute, qui remet debout et donne l’espérance. Parce que pour lui, « les humains sont faits pour la vie ». On croirait entendre Jésus : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et la vie en abondance3. » Comme Jésus qui n’était pas souvent à Jérusalem, mais à Capharnaüm ou à Béthanie, proche du vrai monde, Claude n’est pas un gars de grands centres. Il a vécu au Yukon et vit maintenant aux Îles-de-la-Madeleine. Claude préfère les endroits où les gens ont des communautés de vie, du soutien, de l’échange, de la solidarité. Claude se sent bien avec des gens qui ont du temps à donner à leur vie intérieure, pour qui la fréquentation de l’Église correspond à l’engagement dans une communauté de vie, une véritable « ecclésia ». Il déplore que pendant trop longtemps, l’Église institution a pris la grand-route avec les gens bien, les « purs » de la société au lieu de cheminer avec les pauvres qui se sont vus alors comme les orphelins de Dieu, ne sachant plus à quel saint se vouer. L’Église maintenant doit être un facteur de communion, de réconciliation. De plus en plus, aujourd’hui, les théologiens parlent de l’impuissance de Dieu au lieu de sa toute-puissance. Pensons au « Dieu très bas » de Christian Bobin4. Pensons à Etty Hillesum qui dans son journal5, disait que ce n’était pas à Dieu de nous sauver (elle était en camp de concentration en 1943), mais à nous de le sauver, à nous de faire effort pour garder dans notre cœur une image de son amour pour nous, alors que nous étions tentés de le blâmer pour son inaction. Comme elle le disait, si Dieu avait pu nous sauver, il aurait commencé par sauver son fils. Ce mystère du non-pouvoir de Dieu doit amener l’Église à une réflexion sur son rôle, selon Claude, qui doit en être un d’abord d’accompagnement, et non d’endoctrinement. L’Église et ses pasteurs doivent manifester l’humilité face à ceux qui doutent et cherchent et éviter l’arrogance de ceux qui ont les bonnes réponses, toutes faites. Claude Gosselin est prêtre. Mais pour lui, nous sommes tous prêtres, dans le sens où nous sommes tous égaux devant Dieu et que le Christ seul est « l’autorité », que c’est lui seul qui est la voie, et que cette voie à prendre est celle de « la libération des personnes dans ce qu’elles vivent d’inacceptable », dit Claude. Pour terminer par une autre métaphore, nous pourrions dire que Claude Gosselin n’est pas le prêtre qui officie selon des rites prédéterminés derrière un autel, mais un pasteur qui rassemble ses brebis autour de la table du partage et du pardon où les derniers sont les premiers et les officiants à leur service.

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