Sentiers de FoiVolume 09 - no 123

Coexister, même en région!

Jocelyn Girard
Le 31 août 2013, une lettre à caractère haineux était déposée devant la façade de la mosquée de Chicoutimi après qu’elle fut aspergée de ce qui pourrait être du sang de porc.
Le 31 août 2013, une lettre à caractère haineux était déposée devant la façade de la mosquée de Chicoutimi après qu’elle fut aspergée de ce qui pourrait être du sang de porc. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que, depuis trois ans, je passais plusieurs fois par jour devant une vraie mosquée à Saguenay sans en avoir jamais soupçonné la trace! C’était pourtant dans les nouvelles. Un homme avait attiré l’attention sur son existence en posant un geste d’éclat contre la communauté musulmane. Ça se passait chez moi. Soudainement, la coexistence interreligieuse devenait une question concrète. Transformer le mal en occasion Quelques jours plus tard, un ami me tendait une perche, sur Facebook : « Crois-tu qu’on devrait organiser quelque chose pour souligner que ce genre de geste est inadmissible? » En quelques heures, l’ami en question, cinq personnes engagées en pastorale et moi étions réunis pour réfléchir à la manière d’afficher notre indignation et notre sympathie tout à la fois. Une première idée circulait : une chaîne symbolique, le vendredi, à l’heure de la prière, comme on l’a vu à quelques reprises en Égypte, tant de la part de chrétiens que de musulmans, pour protéger la communauté en situation de vulnérabilité. Une telle action aurait eu l’inconvénient de donner trop d’importance au geste haineux lui-même. Nous devions dénoncer la violence, mais nous souhaitions surtout démarrer une véritable amitié avec les croyantes et les croyants d’autres traditions religieuses. Nous est venue l’idée d’un nom : « Coexister au Saguenay », à l’image de certaines initiatives dans des villes européennes qui vont dans cette direction. Et une page Facebook serait montée rapidement pour que des messages passent, des invitations se fassent. Un premier contact avec l’imam Brahim Rerhrhaye nous avait enthousiasmés, car nous avions senti de sa part une grande ouverture et une belle émotion. Mais lorsque nous avons voulu proposer notre activité d’appui, le député fédéral avait déjà annoncé qu’il serait là à midi, le vendredi, et invitait la population à se joindre à lui. Plutôt que de nous en vexer, nous avons choisi d’aller dans le même sens. C’est ainsi que le 6 septembre, nous étions devant la mosquée, avec un seul député, pour un rassemblement amical. Entre midi et 14 h, une cinquantaine de personnes sont passées. Une part d’entre elles est demeurée durant tout le temps de la prière, certaines allant jusqu’à participer au rituel pendant que les autres fraternisaient dans la pièce voisine. Les médias régionaux et nationaux y étaient tous. La portée d’un geste simple fut donc amplifiée de manière importante, mais le nombre relativement petit de personnes présentes s’avéra notre talon d’Achille. En effet, il fut surtout mentionné de la part des médias1 que notre page Facebook n’avait attiré que 176 « J’aime » et qu’il n’y avait pas foule, au moment d’aller en ondes, pour appuyer les musulmans. De là à laisser croire que la population de notre région ne semblait pas remarquablement indignée par un tel geste, au pays du maire catholique défenseur de la prière, il n’y a qu’un pas qui fut franchi par certains. Un nouveau défi permanent Au-delà du battage médiatique, notre petit groupe est déterminé à bâtir des liens fraternels avec les personnes et les communautés de traditions religieuses variées qui vivent dans notre région. En commençant par les musulmans, montrés du doigt dans le cadre du débat autour du projet de Charte des valeurs québécoises, nous sommes à organiser une activité d’échanges autour des signes religieux et de leur signification pour celles et ceux qui les portent. L’imam saguenéen s’est montré ravi de l’idée, tout comme des responsables de l’Association islamique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais une bonne partie de leurs coreligionnaires ne souhaitent pas sortir de l’anonymat. La peur est bien présente, surtout depuis l’incident haineux. Pour eux, cette attaque justifie le fait de ne pas faire de vagues et de rester discrets, car s’afficher pourrait être interprété comme de la provocation. La communauté musulmane est donc divisée tout comme nous le sommes, nous, Québécoises et Québécois, par rapport à la manière de nouer des relations en fonction d’une affirmation radicale de notre « identité » ou bien à partir d’une ouverture sereine à la différence. Ne voulant pas céder quoi que ce soit à la peur, Coexister au Saguenay, qui a été créé à partir d’un incident regrettable, veut affirmer, par des événements qui rapprochent, que la haine n’aura pas le dernier mot, pas chez nous.

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