Pastorale universitaire en mode recherche et développement
L’accueil est chaleureux en ce jeudi matin gris et pluvieux et les paroles de la nouvelle directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix (CÉBL), Sabrina Di Matteo, manifestent son enthousiasme et sa conviction que ce centre étudiant saura s’acculturer aux soifs spirituelles multiculturelles que portent les universitaires d’aujourd’hui.
L’accueil est chaleureux en ce jeudi matin gris et pluvieux et les paroles de la nouvelle directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix (CÉBL), Sabrina Di Matteo, manifestent son enthousiasme et sa conviction que ce centre étudiant saura s’acculturer aux soifs spirituelles multiculturelles que portent les universitaires d’aujourd’hui. Ayant œuvré plusieurs années en formation et en communications au diocèse de Montréal et poursuivant elle-même des études de maîtrise en théologie, la nouvelle responsable, en témoin crédible et éloquente de sa foi, apporte souffle et renouveau après plusieurs années de recherche. Pour ses activités, le centre occupe plusieurs espaces dans l’aile ouest du couvent des Dominicains sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine, à deux pas de l’Université de Montréal.
Le « service d’aumônerie » universitaire a longtemps été assumé par un père dominicain, un pasteur luthérien et plusieurs collaborateurs, un service financé par l’université jusqu’en 1996. Les locaux étaient situés au pavillon Jean-Brillant et à la « Maison blanche » attenante au couvent des Dominicains. En 1996, à la suite d’un sondage de la Fédération des associations étudiantes (FAÉCUM) sur l’utilisation de leurs cotisations, l’aumônerie fut retirée des services auxquels ils contribuaient. Le service est demeuré grâce à la collaboration entre la communauté catholique étudiante, les Dominicains et l’appui financier du diocèse de Montréal (pour les deux tiers), de plusieurs communautés religieuses, de professeurs et d’anciens étudiants. Toujours affilié à l’université, le service fut incorporé en 2001 sous le nom de « Centre étudiant Benoît-Lacroix », du nom de ce dominicain bien connu, historien médiéviste. Le centre occupa la Maison blanche jusqu’à sa démolition en 2005 et déménagea chez les Dominicains. Aujourd’hui, l’Université de Montréal rassemble autour de 60 000 étudiants dont 10 000 viennent de l’extérieur. Ce sont surtout ces étudiants, une centaine, majoritairement du premier cycle, qui fréquentent le CÉBL et comptent pour 75 % de ses membres.
L’état des lieux
Depuis 10 à 15 ans, il y a un déclin de la participation étudiante, même parmi les convaincus de la pastorale. Ils sont de plus nombreux à devoir travailler à temps partiel ou à temps plein pour payer leurs études, et les plus vieux doivent composer avec des responsabilités familiales. « De plus, les nouvelles générations, plus instruites et avides de liberté, n’ont pas du tout envie de se faire asséner des vérités établies d’en haut », dit Mme Di Matteo. D’où l’urgence de faire le point. Tout un défi! Tenant compte de la rupture d’avec l’héritage catholique, au Québec, et grâce à une subvention de la Fondation Béati, le centre vient d’entreprendre un projet de renouvellement de ses orientations, de ses approches et de ses activités pastorales. « Ultimement, ce renouvellement veut favoriser, pour les étudiantes et étudiants ("pratiquants" ou non), l’expérience d’une Église crédible et pertinente pour son milieu, l’acquisition d’une formation chrétienne de base, la valorisation de leur réflexion sur les enjeux de la société, la création de relations signifiantes avec une communauté de pairs et le désir de s’engager pour un monde plus juste et solidaire. Pour ce faire, une démarche de "voir-juger-agir" est déjà entamée depuis plusieurs mois. Cela se traduit par l’évaluation des activités du CÉBL ces dernières années et par une observation des participantes et participants (actifs et potentiels) et de leurs profils. Il s’agit aussi de prendre acte des changements dans la culture et la communauté universitaire depuis quelques années, de même que des tendances dans le paysage de l’Église du Québec, et à Montréal en particulier –, et ce, sur fond du contexte social québécois. » (Document du projet)
Une foi engagée socialement
Avec enthousiasme, Mme Di Matteo rappelle l’importance d’une foi proche des réalités quotidiennes et engagée dans les enjeux sociaux où les jeunes sont déjà très présents : « Ceci se réalisera, entre autres, par des projets ponctuels d’engagement social, par un groupe de réflexion sur le thème "religion, politique, société" par le biais de créations théâtrales et musicales destinées à la communauté universitaire; les étudiantes et étudiants pourront faire le pont entre la foi (et la spiritualité) et la transformation conséquente de la société. En bref, ceux-ci pourront découvrir qu’une Église crédible et pertinente est possible, une Église tournée vers le changement des structures qui créent l’inégalité, ouverte à dialoguer avec son milieu et à se laisser interpeller. » (Document du projet) Nous reconnaissons bien ici l’esprit de renouveau qui animait le concile Vatican II.
Il existe une association canadienne de pastorale universitaire qui commence à faire de la place aux réalités francophones québécoises. La nouvelle directrice du CÉBL s’intéresse beaucoup aux différentes modalités de présence ecclésiale dans ce milieu, autant chez les francophones que chez les anglophones. Elle a réalisé un travail de recherche sur la question avec Solange Lefebvre, théologienne et professeure à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, et vient tout juste d’en présenter les premiers résultats lors d’un colloque international de théologie pratique, à Toronto, en montrant notamment les multiples « visages québécois » de la pastorale universitaire avec ses particularités et ses défis.
« Les pastorales jeunesse de l’Église du Québec misent notamment sur les grands rassemblements genre JMJ, sur des approches d’enseignement ou de transmission de savoirs et de morale sans donner beaucoup de place à la réflexion critique. Les questions de justice sociale sont plutôt absentes », affirme mon interlocutrice. Alors, le CÉBL serait-il pour l’Église d’ici ce qu’est un centre de recherche et développement pour l’entreprise?