Sentiers de FoiVolume 07 - no 05

Peu de gens en parlent

Raymond Lemieux
C’est le titre d’une des rubriques de Microphone francophone, l’émission de radio produite par Erika et Martin, diffusée actuellement en France, en Belgique, au Bénin, en Pologne, et au Québec par Radio Ville-Marie1.
C’est le titre d’une des rubriques de Microphone francophone, l’émission de radio produite par Erika et Martin, diffusée actuellement en France, en Belgique, au Bénin, en Pologne, et au Québec par Radio Ville-Marie1. Titre astucieux : il représente l’envers du showbusiness. Si l’idéologie est elle-même l’inversion du réel2 (un miroir dans lequel le côté gauche du visage de chacun devient le côté droit, etc.), pour retrouver quelque chose du réel, ne faut-il pas inverser l’idéologie? L’acte de l’artiste et l’acte de foi ont en commun de se risquer dans l’envers du décor! En chaque être humain, en effet, l’artiste est cette part de lui-même qui explore l’altérité pour faire apparaître quelque chose d’autre au cœur de la culture, tout en assumant ses déterminations, ses contingences, ses limites, ses aliénations. Quels que soient ses modes d’expressions, il se risque à témoigner de la dimension cachée du réel, confessant par là que l’Humain dépasse chaque individu, que les possibles de la vie sont infiniment plus grands que les réussites du négoce, même culturelles. Et il met en gage, pour cela, son confort, sa sécurité d’emploi, son statut, son quotidien même. N’est-ce pas aussi ce que suppose l’expérience chrétienne : devant le tombeau vide, réélire l’Autre3, délaisser les apparences du monde des riches pour entendre une bonne nouvelle adressée aux pauvres4? Les artistes qui approfondissent leur parcours esthétique ont souvent l’intuition de cette proximité. D’une Rita Letendre5 en quête de lumière jusqu’à un Armand Vaillancourt6 en quête de justice (pour évoquer des figures ayant traversé le siècle et assumé la sécularité québécoise), le refus des apparences, surtout quand il se veut global, pousse à une expérience spirituelle. Pourquoi si peu en font-ils un sentier de foi? Et quand il leur arrive de le faire, pourquoi est-ce si mezza voce? Pour commencer à répondre à ces questions, il faudrait approfondir l’histoire récente du Québec. Mais la confrontation aux autres, dans la migration comme dans l’accueil chez soi, peut aussi être un puissant révélateur. Erika et Martin le découvrent en France : une culture globalement riche, certes, mais également habitée par des croyants et croyantes qui n’ont pas honte de confesser leur foi et s’en inspirent volontiers dans leurs créations de comédiens, de peintres, de sculpteurs, de musiciens. Se pourrait-il que deux cents ans de sécularisation aient quelque peu atténué, là-bas, la hargne à l’égard d’une religion accusée de tous les abus de pouvoir? La courte histoire séculière du Québec permet encore bien peu de distance et, par conséquent, d’objectivité, à cet égard. Mais au-delà de ce type d’explication circonstancielle, d’autres questions sont peut-être plus fondamentales. Est-il vraiment de la nature de l’expérience de foi de s’afficher comme un étendard sur un champ de bataille? L’acte de foi peut-il, sans se dénaturer, faire office d’idéologie? De telles questions ne peuvent être éludées là où les sentiers de foi ne craignent pas l’exploration du monde. Elles poussent cependant alors moins à l’affichage qu’à l’agir. La foi devient véritablement créatrice quand la quête de lumière rejoint la quête de justice. Comme disent Erika et Martin, elle est alors « partage avec l’humanité », « travail d’édification d’une éthique et de structures universelles de bonté, de justice, de beauté »...

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