Nous n’avons qu’un seul vaisseau : la Terre
Dans un monde qui n’est plus celui que nous habitons maintenant, les femmes et les hommes de tel ou tel coin du monde pouvaient ne pas connaître ce qui se passait ailleurs et, peut-être surtout, ne pas se rendre compte des effets plus ou moins néfastes des activités des uns sur les autres.
Dans un monde qui n’est plus celui que nous habitons maintenant, les femmes et les hommes de tel ou tel coin du monde pouvaient ne pas connaître ce qui se passait ailleurs et, peut-être surtout, ne pas se rendre compte des effets plus ou moins néfastes des activités des uns sur les autres.
Moyens techniques sophistiqués aidant, aujourd’hui tout se sait, et tout de suite. Et la multiplication des échanges internationaux a pour conséquence que les effets se font sentir immédiatement, rapidement et presque partout sur la planète. À témoin, l’actuelle « grippe porcine » qui s’est répandue avec la rapidité de l’éclair, affectant non seulement la vie des personnes infectées, mais aussi le quotidien des habitants du monde entier qui redoutent une nouvelle pandémie.
Moins spectaculaire, mais tout aussi dangereuse pour l’humanité, la « crise environnementale » peine encore, elle, à alerter tout un chacun, ici et partout ailleurs dans le monde. Au Nord, on reproche aux populations du Sud d’endommager de plus en plus l’environnement par l’utilisation croissante de l’auto (comme en Chine), par la déforestation excessive (dans de nombreux pays pauvres), etc. Les gens du Sud répliquent en invoquant leurs droits à en profiter, comme l’ont fait et continuent de le faire les pays dits développés. Une chose est sûre : le « modèle occidental » n’est pas exportable.
Nous sommes parvenus à une époque où les accusations mutuelles sont devenues inutiles, car c’est la planète commune, la seule que nous ayons et partageons, qui est menacée par l’air vicié, par l’eau raréfiée et trop souvent de mauvaise qualité, par la disparition accélérée d’habitats nécessaires à la vie de centaines d’espèces d’animaux qui disparaissent à leur tour, par la pollution des océans devenus depuis longtemps de gigantesques dépotoirs, comme le dénonçait Coustaud, il y a quarante ans déjà.
Notre planète bleue n’est bleue qu’en apparence, vue d’aussi loin que de la navette spatiale. Notre planète est devenue grise, dans tous les tons de gris. L’avenir est sombre, car notre planète est en péril. Notre toute petite planète n’abrite plus depuis longtemps de parcelles d’humanité répandues ici et là; elle est le lieu de vie commun des humains confrontés au même danger imminent : la disparition collective, car la vie dans la navette ou sur une autre planète fait toujours partie des romans de Jules Verne.
Dans une telle situation, le prochain de la parabole bien connue n’est plus celui qu’on trouve sur le même trottoir, mais toute personne qui partage avec moi le délicat « statut d’espèce menacée ». L’adaptation contemporaine de ce passage évangélique nous amène à penser qu’il n’y a plus celui qui, sur la terre ferme, vient en aide à l’autre dans le fossé, mais que les deux personnes sont en danger dans le même fossé. Et, s’il a toujours été vrai qu’aider l’autre, c’est s’aider soi-même, la situation actuelle de la planète rend cet adage encore plus pertinent. Nous ne sommes pas que des personnes individuelles, comme a réussi en partie à nous le faire croire le capitalisme envahissant qui a fait de nous des consommatrices et des consommateurs égoïstes et aveugles. Nous toutes et tous sommes membres d’une grande famille, chacune et chacun ayant son rôle à jouer. Évidemment, dans nos comportements, mais également dans nos protestations collectives pour pousser toujours plus efficacement sur les différentes autorités en place, tant politiques qu’économiques, afin que s’arrête rapidement cette inexorable destruction de notre seul habitat. Le patron des environnementalistes pourrait devenir notre guide à toutes et à tous. Alors, notre action de grâces, personnelle et collective, pourrait s’incarner ainsi : éviter les émissions de gaz à effets de serre pour que « notre frère messire le soleil qui nous donne le jour et la lumière » ne nous calcine pas, mais continue à nous réchauffer; apprécier « notre frère le vent » et s’organiser pour que le réchauffement de la planète ne le rende pas destructeur comme ce fut trop souvent le cas ces derniers temps; protéger et partager « notre sœur l’eau, qui est très utile, humble, précieuse », évitant ainsi les guerres qui peuvent résulter de sa rareté et de son accaparement égoïste; vénérer et utiliser, en bons intendants et en bonnes intendantes, tant à sa surface que dans ses profondeurs, « notre mère la Terre, qui nous soutient, nous nourrit et qui produit toutes sortes de fruits, les fleurs diaprées et les herbes ».« Notre planète est l’équivalent d’un vaisseau spatial, avec un équipage et des ressources limitées. » Alain Cirou, directeur de la rédaction de la revue d’astronomie Ciel et espace.