L’environnement, le grand signe des temps
Les temps changent. « Désormais, tous les projets le moindrement importants doivent être accompagnés d’une "étude d’impact". Cette dernière expression, comme celle d’"empreinte écologique", est désormais entrée dans nos mœurs. Dans un nombre croissant d’entreprises, la question environnementale se discute au Conseil de direction et la responsabilité en revient à un vice-président. » Celui qui parle ainsi, M.
Les temps changent. « Désormais, tous les projets le moindrement importants doivent être accompagnés d’une "étude d’impact". Cette dernière expression, comme celle d’"empreinte écologique", est désormais entrée dans nos mœurs. Dans un nombre croissant d’entreprises, la question environnementale se discute au Conseil de direction et la responsabilité en revient à un vice-président. » Celui qui parle ainsi, M. André Beauchamp1, est un prêtre bien connu au Québec pour son implication dans les enjeux environnementaux de notre époque, particulièrement au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le BAPE. Il vient de publier le livre Église et environnement, paru chez Fides. Pour lui, l’avenir de notre planète, le sort de la création et l’état actuel de « notre maison commune » constituent le signe des temps le plus fort de notre époque. Tous les grands enjeux sociaux s’y rattachent.
Il n’a pas eu d’apparition céleste et n’est pas tombé dans la potion écologique dans son enfance pour devenir un « prophète de l’environnement ». C’est au fil du temps, des opportunités d’emploi et des rencontres d’autres prophètes qu’il s’est engagé dans la filière écologique. Pas seulement comme citoyen, mais comme croyant, bibliste et théologien. Très tôt, il fait le lien entre le récit judéochrétien de la Création et ce rapport de « domination » que l’humain est censé établir sur la nature. « Dieu les bénit et Dieu leur dit : Fructifiez et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la; dominez sur... » (Gn 1, 28) Un rapport qui devient dans l’histoire, possession, exploitation sans limites, viol, destruction. Ce récit ainsi compris est un fondement, pour lui, de la crise écologique actuelle. « Il faut revoir notre rapport à la nature, car notre culture urbaine nous l’a fait oublier, dit-il. Nous sommes tous faits de la même poussière d’étoiles. La terre est notre maison. Si nous la saccageons, nous nous détruisons nous-mêmes. Nous sommes les gardiens de la Terre et de toute forme de vie, et non les propriétaires. » Comme l’affirme cet autre passage : « Yahvé Dieu prit l’homme et l’installa dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. » (Gn 2, 15)
Ce qui oriente autrement la question éthique dans notre rapport à la Terre. « L’heure est-elle venue d’aller maintenant plus loin et d’inclure dans la communauté éthique non seulement tous les humains mais aussi le reste de ce que l’on peut appeler la nature? L’éthique de la Terre élargit simplement les frontières de la communauté au point d’y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux, ou tout cela ensemble : la Terre. » (Aldo Léopold, 1991, cité dans Environnement et Église) À partir des années 1980, partout dans le monde naissent des ministères de l’Environnement. La première loi au Québec sur la qualité de l’environnement date de 1972 (Goldblom). Le ministère québécois de l’Environnement date de 1981. L’auteur, qui a créé le module d’Éducation relative à l’environnement (ERE) a misé sur le réseau des écoles pour informer les jeunes et les éduquer au sens de l’environnement. L’école a bien répondu depuis. Par contre, sauf quelques prises de positions épiscopales (Forêt et sables bitumineux)2, la question écologique demeure assez périphérique dans les préoccupations ecclésiales. « Qu’est-ce qui l’empêche de s’engager à fond dans ce débat vital? Pareille attitude ne contribue-t-elle pas à creuser encore davantage le fossé qui sépare l’Église des jeunes générations? », se demande André Beauchamp. Or la jeune génération se préoccupe grandement de cette question, et cela paraît dans leurs engagements comme dans les chansons à la mode. Dans quel monde vont-ils se retrouver bientôt?
Pour l’auteur, nous devons donc tous nous poser la question de l’impact de nos actions, de notre style de vie sur l’environnement, surtout à long terme. Il remarque que les résistances sont encore fortes dans la population devant les questions écologiques : c’est complexe et technique, c’est conflictuel et politique, ça remet en question nos habitudes et c’est sale (pollution). Il est plus facile de continuer à consommer sans se questionner que de devoir faire des choix de vie pour être cohérents avec nos valeurs et notre foi. Mais il y a ici tout un chemin de spiritualité et de renouveau de la foi pour notre époque. D’où un prochain livre en vue qui s’intitulera justement Spiritualité et environnement.
« À 71 ans, dit-il, ce parcours a renouvelé ma foi en profondeur, me révélant la dimension obnubilée de l’immanence de Dieu. Car, avec une foi trop cérébrale et moralisante, on a perdu la profondeur de la présence de Dieu. Tout notre être est lié au cosmos. Il y a un lien sacré qui nous rattache à tout. » Considérant la grave crise financière et économique actuelle, l’aggravation des disparités et la détérioration accélérée de la nature, il me semble prophétique que M. André Beauchamp continue de consacrer autant de cœur et d’énergie à la question environnementale considérée comme le principal signe de notre temps.