Benoît XVI, l’écologie et l’homosexualité
État des lieuxL’homosexualité est pénalisée et interdite dans 77 pays.
État des lieux
L’homosexualité est pénalisée et interdite dans 77 pays. Les personnes homosexuelles encourent la peine capitale dans sept pays : l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran, la Mauritanie, le Nigéria, le Soudan et le Yémen (Le Devoir, 19 décembre 2008). Il y a beaucoup de violence sur la place publique, du « gay bashing » envers les personnes homosexuelles, des États-Unis à la Chine en passant par la Russie et l’Amérique du Sud. Malgré le fait que le catéchisme catholique déclare que ces personnes ne sont pas responsables de leur orientation sexuelle (no 2358), l’homophobie en paroles et en actes est très répandue dans la chrétienté.
« New York (Nations unies) – Invoquant l’universalité des droits de l’homme, un tiers (66/192) des pays du monde ont lancé jeudi (18 décembre) un appel historique à la dépénalisation universelle de l’homosexualité, malgré l’opposition active de plusieurs États arabes et du Vatican. » (cf. Le Devoir, 19 décembre 2008). Un appel basé sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui affirme que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».
Entre-temps, le 22 décembre, Benoît XVI fait son bilan de l’année devant la Curie romaine, le gouvernement de l’Église catholique. Dans ses propos, il parle du genre et de la confusion des genres : « Ce qu’on entend par le terme gender se résout en définitive dans l’auto-émancipation de l’homme par rapport à la création et au créateur. L’homme veut se construire tout seul et décider toujours et exclusivement seul de ce qui le concerne. » Ce qui, pour lui, contredit le projet du créateur. Puis, il fait le rapprochement avec les défis écologiques. « Les forêts tropicales méritent, en effet, notre protection, mais l’homme ne la mérite pas moins en tant que créature, dans laquelle est inscrit un message qui ne signifie pas la contradiction de notre liberté, mais sa condition. » Alors, « l’Église doit protéger l’homme contre la destruction de lui-même ». C’est cette partie de son allocution qui a suscité la controverse dans les dernières semaines1.
Quelques réactions
• « Il n’y a pas de questions de genre ou d’orientation qui tiennent quand les personnes aiment, comme il n’y a pas de question de meilleur ou de moins bon être vivant quand il y a une question écologique, c’est ensemble et globalement que la diversité doit être célébrée et maintenue, aucune sélection n’est juste. » – Gilbert Émond, ph. D., Université Concordia (« Le pape serait-il homophobe? » dans Le Devoir, 5 janvier 20092)
• « Ce sont des commentaires de ce genre qui justifient la persécution homophobe dans les écoles. » – Révérende Sharon Ferguson du Mouvement chrétien gai et lesbien (AFP, « Homosexualité, forêts tropicales et Benoît XVI », site Web de la Société Radio-Canada, 24 décembre 20083)
• « Mais, en cette fin d’année, les scandales financiers et économiques polluent bien davantage la planète que les mariages de même sexe. L’avidité fait beaucoup plus de mal à l’humanité que la luxure et le mariage des homosexuels. On retrouve cette étrange habitude du Vatican de donner plus d’importance au divorce et au sexe qu’à la fraude, à l’ambition démesurée, à l’égoïsme criminel des courtiers, des hommes d’affaires et des gouvernants, qui causent la famine, le désespoir, la mort de millions d’êtres humains. » – Pierre Pelletier (« Les homosexuels, ces pollueurs » dans Le Devoir, 5 janvier 20094)
• « Benoît XVI se trompe : l’orientation homosexuelle n’est pas contre nature. Ce n’est pas la première fois qu’un pape cite la Bible contre la science : on se souvient de Galilée. Aujourd’hui, les instituts scientifiques et médicaux reconnaissent l’homosexualité comme une variante naturelle chez les humains et chez les animaux. Dans le passé, le magistère pontifical citait la Bible pour défendre l’esclavage, et aujourd’hui il la cite pour démontrer que le patriarcat est une institution divine. Heureusement, les catholiques ont appris à prendre le magistère avec un grain de sel. » – Gregory Baum, théologien
Car si le prophète Élie était un humain comme nous (Jc 5, 17), Benoît XVI l’est aussi. Or les humains se trompent immanquablement, comme l’histoire de l’Église le démontre.
Un sens spirituel
Engagé plusieurs années en pastorale dans le Centre-Sud de Montréal, particulièrement dans le Village gai, je connais une multitude de personnes homosexuelles, seules ou en couple. Ce que je remarque surtout, c’est leur sens spirituel. Elles font aisément preuve d’amour, de générosité et d’engagement au service des autres (fécondité) : travail et bénévolat, dans la cité comme dans l’Église. On est ici bien loin de la dépravation et de la perversion. Je vois aussi que ces personnes homosexuelles subissent, encore aujourd’hui, des jugements, des sarcasmes, des humiliations, et même des agressions physiques et verbales de la part de leur entourage : famille, école, milieu de travail et société. Pas étonnant qu’il y ait un si haut taux de suicide chez les jeunes homosexuels.
Quant à la sexualité, celle des animaux est strictement programmée pour la procréation. Chez les humains, il y a bien plus. L’intimité sexuelle dans un couple peut se vivre par amour et pour le plaisir de se rencontrer. Les couples le savent. Quant à la fécondité, elle peut prendre bien d’autres formes qu’un enfant. N’est-ce pas ainsi que l’on parle de la « fécondité » des personnes célibataires consacrées? Voici ce que dit le livre de la Sagesse : « Tu aimes tous les êtres et ne déteste aucune de tes œuvres : aurais-tu haï l’une d’elle, tu ne l’aurais pas créée. Et comment un être quelconque aurait-il subsisté si toi, tu ne l’avais voulu, ou aurait-il été conservé sans avoir été appelé par toi? » (Sg 11, 24-25)
Cela dit, les réflexions de Benoît XVI sont en général de grande qualité, dont son homélie de la messe de minuit de Noël5. À méditer.