Sentiers de FoiVolume 08 - no 113

L’œcuménisme au rythme de la vie

Marthe Boudreau
« Nous sommes devenus œcuméniques quand nous avons accueilli des hommes et des femmes avec un handicap qui appartenaient à des confessions religieuses différentes1.
« Nous sommes devenus œcuméniques quand nous avons accueilli des hommes et des femmes avec un handicap qui appartenaient à des confessions religieuses différentes1. » C’est aussi l’expérience de L’Arche L’Étoile à Québec, une des 135 communautés réparties dans 37 pays et sur 5 continents découlant de la fondation en 1964, à Trosly-Breuil, en France par Jean Vanier. Sa vision était celle d’une communauté de personnes avec un handicap intellectuel qui ont besoin d’accueil et qui partagent d’abord et avant tout une humanité commune. « Vivre la communauté, c’est faire tomber les barrières pour accueillir la différence […]. Une communauté doit toujours se rappeler qu’elle est un signe et un témoignage pour toute l’humanité. Elle est une source d’espérance pour tous2. » Le défi de chaque communauté de L’Arche est d’accueillir des personnes avec une déficience intellectuelle et des assistants quelles que soient leur tradition chrétienne, leur religion ou leur approche spirituelle, ou encore en l’absence de celles-ci. À Québec, L’Arche L’Étoile a son terreau dans la tradition catholique majoritaire. Les moments de célébration liturgique et les temps de réflexion s’en inspirent donc. À Toronto, L’Arche Daybreak a été fondée par des membres de l’Église anglicane du Canada et d’autres Églises chrétiennes. Au fil des ans, L’Arche L’Étoile a accueilli et accueille toujours des personnes avec une déficience intellectuelle et des assistants provenant de différents arrière-plans religieux. Récemment, deux célébrations œcuméniques ont eu lieu, une au Centre de jour de L’Arche, l’autre au temple Chalmers-Wesley dans le Vieux-Québec. Une expression simple de l’unité essentielle partagée dans la diversité des formes. L’œcuménisme se concrétise donc au rythme de la vie quotidienne, tout près de chez nous. Thérèse Vanier affirmait : « L’œcuménisme a souvent besoin d’une ambiance amicale et confiante3. » Au sein de ces communautés d’hommes et de femmes avec un handicap intellectuel, de différentes appartenances religieuses, s’exprime avec force le cœur de la communauté humaine qui cherche l’harmonie et le respect de l’autre dans ce qu’il est, donc aussi dans ses croyances religieuses. La dimension religieuse et spirituelle fait partie de l’identité de L’Arche. Au centre du christianisme, on retrouve le mystère de la fragilité comme source de vie. Or tous et toutes peuvent vivre cette expérience, avec ou sans appartenance officielle à une Église ou à une tradition de foi. Et cette spiritualité de L’Arche est liée à la vie, elle est donc appelée à évoluer et à s’adapter. Centrée au début sur le « pauvre », elle met de plus en plus l’accent sur la relation, le « cœur à cœur ». Si la « prière de L’Arche » originelle, issue du milieu catholique, s’adressait à Marie, dans les contextes protestants, cette même prière a été modifiée pour s’adresser à Dieu ou au Père. Et en Inde, la majorité des membres de la communauté est hindoue. La différence de traditions religieuses, bien au-delà des conflits, devient une source de richesses et de partage. Dès 1971, le Conseil œcuménique des Églises publiait le document L’Unité de l’Église et les handicapés dans la société qui montrait le rôle d’authentiques témoins du Christ des personnes avec un handicap. « Car c’est seulement quand le témoignage de ceux qui souffrent fait partie intégrante du témoignage de l’Église tout entière que ce dernier est fidèle à l’Évangile du crucifié4. » Le jour où L’Arche négligera sa spiritualité, elle deviendra un simple centre de soins des personnes avec un handicap. Sa spiritualité est véritablement fondée sur la personne avec son histoire sacrée, centrale, incontournable et indispensable. S’y déploie un œcuménisme concret qui s’établit au rythme de la vie.

Articles parus


L’œcuménisme au rythme de la vie

Volume 08 - no 113
« Nous sommes devenus œcuméniques quand nous avons accueilli des hommes et des femmes avec un handicap qui appartenaient à des confessions religieuses différentes1.