Sentiers de FoiVolume 07 - no 101

La messe qui prend son temps

Colette Beauchemin
En septembre dernier dans le diocèse de Saint-Jean-Longueuil, nous avons inauguré un nouveau type de célébration offert aux jeunes de 20 à 35 ans.
En septembre dernier dans le diocèse de Saint-Jean-Longueuil, nous avons inauguré un nouveau type de célébration offert aux jeunes de 20 à 35 ans. Francine Vincent et moi avions d’abord vécu l’expérience à Paris, l’hiver dernier, et nous sommes revenues au Québec avec le désir de proposer cette forme de liturgie aux jeunes d’ici. En participant à la « messe qui prend son temps » à l’église de Saint-Ignace à Paris, nous avons été séduites par l’ambiance et le déroulement intériorisant de la célébration. Un temps d’enseignement qui nous préparait à l’écoute des Écritures se poursuivait dans une méditation d’environ vingt minutes, suivie d’un bref partage du fruit de notre méditation avec nos voisins immédiats. On pouvait facilement reconnaître les repères habituels de la messe, mais la disposition des lieux, le rythme et la manière de faire transformaient la messe en une expérience hors du commun. Les chants bien choisis ajoutaient à cette ambiance d’intériorité. Bref, nous avons vécu cela comme un moment de grâce. De retour à Longueuil, nous étions habitées d’un vif désir de tenter l’expérience avec des jeunes d’ici. Francine Vincent, qui est responsable du catéchuménat des ados et des adultes au diocèse, voyait dans la « messe qui prend son temps » une belle manière d’offrir un lieu de ressourcement signifiant aux néophytes. Elle rencontre de plus en plus de jeunes adultes dont le cheminement catéchuménal a éveillé en eux une soif spirituelle. Il peut sembler étonnant d’offrir un long temps de silence, dans le cadre d’une messe, et en plus à des jeunes, en vue de nourrir leur vie et leur quête existentielle. Et pourtant, à l’église de Saint- Ignace, nous étions dans une assemblée d’environ 200 jeunes adultes de 25 à 35 ans. Cette forme de liturgie semble répondre à une recherche d’intériorité chez les jeunes de cet âge qui ressentent le besoin de s’arrêter pour se retrouver intérieurement et en présence de Dieu. La pédagogie mise en œuvre permet d’habiter ce moment de silence longuement introduit. Ceux et celles à qui le silence pourrait faire peur sont comme guidés dans leur prière. Il s’agit de se laisser toucher par le Christ, présent dans sa parole. L’idée originale de la « messe qui prend son temps » revient au cardinal Martini, quand il était archevêque de Milan. Dans les années 1980, ce jésuite bibliste cherchait à faire redécouvrir la parole de Dieu aux jeunes de son diocèse : pour lui, cette rencontre personnelle de Dieu dans sa parole était un lieu d’évangélisation et de conversion. Il mit donc en place des liturgies de la Parole, le dimanche soir, dans la dynamique de la lectio divina telle que les moines la vivent et qui transparaît aussi dans les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. La « messe qui prend son temps » cherche à développer une expérience analogue à celle de la lectio divina au cœur même de la messe dominicale. C’est donc dans le prolongement de cette intuition que depuis septembre, l’évêque nous a encouragées à tenter l’expérience de la « messe qui prend son temps » dans notre diocèse. Nous avons opté pour une fréquence mensuelle. La célébration, qui a lieu le dimanche soir, débute à 19 h et se termine autour de 20 h 30 et est suivie d’un partage fraternel autour d’une petite collation apportée par les participants et participantes. L’expérience de la « messe qui prend son temps » inclut une partie préparatoire essentielle à son esprit. Un noyau de personnes qui portent l’organisation (5 ou 6) se rencontre quelques semaines avant pour préparer la liturgie en prenant d’abord une bonne heure pour échanger sur les textes bibliques qui seront proclamés durant la messe à venir. Nous prenons le temps de partager sur le sens que nous trouvons dans ces textes en tentant de dégager plus ou moins trois pistes qui guideront l’enseignement et la méditation. Nous choisissons ensemble les chants afin qu’ils s’harmonisent bien avec les textes et les pistes qui seront approfondies. Jusqu’à maintenant, nous avons eu la participation d’une vingtaine de personnes à chaque célébration. Nous recueillons les commentaires des participants et participantes dans un livre de la mémoire où chacun peut laisser une trace de ses impressions, et même quelques bribes provenant de sa méditation. Voici quelques commentaires glanés au hasard, qui peuvent faire sentir ce que l’expérience apporte aux participants et participantes.
  • Je suis sortie de là remplie d’une énergie et d’un bien-être qui me suit encore.
  • Merci encore une fois! On se sent comme les premiers disciples de Jésus, autour du festin de Dieu! • C’est une belle expérience de fraternité. La parole prend le temps de faire écho dans mon cœur.
  • Dieu vient habiter notre demeure. Comme il est bon de prendre le temps de s’habiter soi-même pour pouvoir le rencontrer.
  • Nous sommes mutuellement des guides les uns pour les autres. Une personne peut être à la fois Samuel et Élie pour moi. Prendre le temps d’écouter Dieu à l’intérieur de mon corps, c’est à cela que je me sens invitée!
  • C’est de l’intérieur qu’on peut entendre l’appel de Dieu. Car Dieu nous parle dans le Temple de nos corps. Il nous appelle à être guides les uns pour les autres.
  • Réellement, ce sont des liturgies parmi les plus profondes que j’ai vécues. Merci.
Bien que l’expérience soit modeste, nous ressentons ce projet comme une œuvre de l’Esprit qui vient apporter un nouveau souffle à son Église. Par tous ceux et celles qui s’intéressent à cette initiative, nous sentons que se développe actuellement un désir grandissant pour des espaces d’intériorité où l’on peut se ressourcer ensemble à la parole de Dieu. Nous croyons que le cardinal Martini a vu juste : cette rencontre personnelle de Dieu dans sa Parole est un lieu d’évangélisation et de conversion.

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