Sentiers de FoiVolume 06 - no 12

De la miséricorde à la compassion...

Denis Fortin
Depuis 1925, la Maison Jésus-Ouvrier est connue de la population de l’agglomération de Québec comme un lieu de célébration et d’approfondissement de la foi.
Depuis 1925, la Maison Jésus-Ouvrier est connue de la population de l’agglomération de Québec comme un lieu de célébration et d’approfondissement de la foi. Au fil des décennies et sous différentes formes, plusieurs générations s’y sont retrouvées pour vivre des retraites et participer à des groupes de cheminement, de croissance et de formation. À l’origine de cette institution, un oblat flamboyant, vicaire de Saint-Sauveur, engagé corps et âme avec le style de l’époque dans la mission en milieu ouvrier de la basse-ville, le père Victor Lelièvre, dont le nom est dorénavant associé au boulevard qui borde le terrain paysagé et l’édifice du quartier Vanier. Après plus de 80 ans de rayonnement, à la suite d’un processus d’évaluation et de discernement, la communauté des Oblats souhaite relancer l’œuvre en actualisant son intuition initiale pour l’accorder à la réalité sociale contemporaine. Fort des racines historiques d’une foi accueillante (la miséricorde) et d’un travail bienveillant (la charité) dans le terreau du milieu populaire, le nouveau Centre Victor-Lelièvre (CVL) amorce, à l’automne 2008, une véritable refondation afin de « soutenir l’espérance des femmes, des hommes, des jeunes de notre temps, croyants et non-croyants, à travers leur quête de sens, de justice, de communion et de libération ». C’est à Lorraine Gaudreau qu’on demande de diriger cette démarche de transformation. Impliquée depuis des années dans l’organisation communautaire au sein de regroupements des droits sociaux et du mouvement populaire, elle constate dans son parcours « avoir contribué au fil des ans à construire des ponts concrets entre ces groupes d’intervention sociale et les alliés chrétiens engagés dans une analyse critique et préoccupés de justice sociale ». En compagnie des différents intervenants (animation, gestion, location, hébergement), le cheminement personnel de la directrice traduit la visée même du CVL : une foi transformatrice et une passion pour l’engagement concret. Ainsi décrit-elle la démarche entreprise : « La maison a connu plusieurs périodes avec des approches variées quant à l’animation. L’enjeu actuel de cette relance, c’est l’intégration de toutes les tendances qu’on y retrouve. Le Jésus qu’on rencontre dans l’adoration est le même qui conteste ouvertement les structures d’oppression et prend le parti des faibles et des exclus. L’apostolat laïque porte l’exigence de comprendre les causes des injustices et des inégalités autant que d’en contrer les effets. Être fidèles à l’intuition du père Lelièvre aujourd’hui, c’est tenir tout autant à la formation de la foi qu’à l’accompagnement des valeurs des gens là où ils se trouvent, comme lui-même l’a fait à son époque. Quête de sens, de spiritualité et de Dieu, quête de justice, quête de communion, quête de libération intérieure et collective, cela forme un tout. »

« Le Jésus qu’on rencontre dans l’adoration est le même qui conteste ouvertement les structures d’oppression et prend le parti des faibles et des exclus. » Lorraine Gaudreau

C’est d’ailleurs cette conviction qui a conduit le CVL à lancer une enquête en profondeur dans le milieu. Grâce au soutien financier de la Fondation Béati, la « Table ronde itinérante sur la quête de sens, de justice sociale et de fraternité » a démarré en septembre 2010 sous la coordination de Jonathan Lacasse, agent d’animation et de développement au CVL. Cette table vise trois objectifs : 1. rencontrer les gens dans les groupes (communautaires, ecclésiaux, scolaires et même des centres commerciaux) pour un temps d’arrêt et d’écoute sur la manière dont ils articulent leurs quêtes de sens, de justice sociale et de fraternité; 2. relever des idées intéressantes d’intervention susceptibles de déboucher sur des pistes ou des projets d’action liés à la mission du centre; 3. renforcer les liens avec les différents groupes du milieu. Un des impacts de cette démarche est de faire connaître dans le milieu la nouvelle orientation du CVL. Pour parvenir à recueillir les données nécessaires, le CVL, avec l’implication d’un comité-conseil, a développé un questionnaire qui sert d’outil d’animation lors des tables rondes itinérantes. Ces tables rondes circulent dans le milieu et permettent aux organismes de vivre un temps d’arrêt. « À l’étape actuelle, affirme Jonathan Lacasse, un premier constat ressort de façon quasi unanime : seul, on ne peut pas changer les choses. Le fil conducteur, c’est qu’ensemble, avec le monde, on peut quelque chose. Il émerge une "espérance présente" qui ne s’exprime pas en termes religieux mais qui rejoint les valeurs évangéliques, donc l’engagement social. Le deuxième constat, c’est que la quête de sens et l’engagement pour la justice sociale sont liés et se nourrissent mutuellement. Ces valeurs sont difficiles à vivre et il faut demeurer alerte, en mouvement, et cela ne peut se faire seul. » La première année de la Table ronde se conclura par un rassemblement festif de ceux et celles qui y ont participé à l’automne 2011. Dans cette démarche de refondation, le CVL utilise avec créativité les outils contemporains de communication (site Web, diffusion culturelle par les nouveaux médias, etc.) et mise autant sur la continuité avec les groupes qui le fréquentent déjà que sur son potentiel de service pour d’autres qui apprennent à le connaître. Il y a un siècle, un oblat passionné allait parmi le monde pour partager la miséricorde de Dieu et promouvoir une charité active en milieu ouvrier. Les moyens diffèrent, les mots changent, mais la vision demeure. C’est ainsi que l’exprime l’équipe du CVL : « Nous nous réjouissons que des hommes et des femmes engagés de multiples manières – souvent hors des sentiers battus et au-delà de toute frontière – fassent advenir un monde de justice et de paix au cœur du quotidien. Nous avons la conviction que, dans ces gestes fraternels et les luttes pour la dignité de tout être humain, le Royaume de Dieu est déjà en marche. En Église désinstallée, "servante et pauvre", nous entendons l’appel de l’Évangile à l’audace, à la compassion, au don de soi par amour. »

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