Sentiers de FoiVolume 02 - no 04

Quand mon heure sera venue...

Isabelle Bisson
Quand mon diagnostic sera tombé, que la maladie aura frappé, que l’âge (peut-être?) aura laissé sur moi ses traces et ses effets, que mes relations s’élagueront, je sentirai alors la mort s’approcher.
Quand mon diagnostic sera tombé, que la maladie aura frappé, que l’âge (peut-être?) aura laissé sur moi ses traces et ses effets, que mes relations s’élagueront, je sentirai alors la mort s’approcher. Est-ce que je la craindrai, voudrai la hâter ou la repousser? Ma santé, mon jeune âge, mes enfants et ma vie bien occupée m’empêchent pour le moment d’anticiper ce moment. Mais la mort dans ma vie est bien présente et le regard que je porte sur elle, comme animatrice de pastorale en milieu de santé, m’aide à mieux vivre. Voilà ma vision de l’affaire! Mourir... en santé! J’ai toujours peine à entendre des débats médiatiques ou amicaux (du genre « on jase ») sur le droit à l’euthanasie, au suicide assisté, sur la désespérance des derniers jours. On parle de nos vieux jours en disant vouloir être débranchés en cas d’invalidité : « Je ne veux pas être un poids pour la société » ou « Je n’irai pas pourrir en CHSLD. » De telles phrases, ajoutées ou non à notre testament, ne sont garantes que des perceptions que nous portons sur la vie à cet instant précis. Ma perception, mes points de repères changent au fil de la vie, au fil de la maladie, au fil des événements. Bien sûr, tout le monde voudrait mourir en santé! Vouloir aujourd’hui signer un papier qui nous évitera (pensons-nous) d’avoir à circuler en fauteuil roulant dans 40 ans, ne serait-ce pas nier notre propre capacité d’adaptation devant les situations difficiles? Il est vrai que la mort, comme la vie, est une réalité qui nous dépasse. Nous ne pouvons pas l’anticiper, nous ne pouvons que lui donner la forme de notre regard dans l’instant présent. Le personnage du petit Oscar, dans le roman d’Éric-Emmanuel Schmitt, le dit bien à la fin de sa vie : « La vie, c’est un drôle de cadeau. Au départ, on le surestime, ce cadeau; on croit avoir reçu la vie éternelle. Après on le sous-estime, on le trouve pourri, trop court, on serait presque prêt à le jeter. Enfin, on se rend compte que ce n’était pas un cadeau, mais juste un prêt. Alors on essaie de le mériter1. » Accompagner pour ressaisir la vie entière Pour ma part, quand je côtoie la mort, c’est dans l’accompagnement des vivants qui s’en approchent. Et je m’efforce de me rappeler chaque fois cette phrase de Philippe Ariès qui dit : « On peut avoir écrit mille pages sur la mort, quand elle vient, on n’en sait rien2. » Je l’aborde donc par le biais du regard que la personne porte sur sa propre mort. En parle-telle ou détourne-t-elle son regard d’elle? La voit-elle comme une réalité naturelle, comme un geste, comme une dialogue (même quand il n’y a plus de mots) ou comme une traversée, un passage vers une vie transformée? Puis, je deviens l’accompagnatrice qui libère la parole, qui aide la personne à trouver ses mots qui racontent sa vie, qui racontent ses jours (derniers), ses peurs, ses espérances. Je deviens celle qui aide à ressaisir la vie entière, à travers des gestes, des regards, des silences. Je deviens moi-même silence devant la grandeur et le mystère de l’autre qui s’apprête, de gré ou de force, à faire le passage vers une vie transformée3. Et comme la Mamie Rose du roman d’Éric- Emmanuel Schmitt4, je dis merci, à toutes ces personnes que j’accompagne. Merci de m’aider à croire en Dieu, en la vie. Parce que si la mort de l’autre me renvoie à ma propre mort, à mes scénarios, à mes croyances, à mes souffrances, je dis aussi et surtout qu’elle m’invite à voir et revoir ma propre vie. Porter un regard sur les choses, sur les gens, sur la vie, non pas comme si c’était la dernière fois que je les voyais, mais comme si je les découvrais pour la première fois... avec tout ce qu’ils portent de possibilités, de joies, d’espérances. Quand mon heure sera venue, j’espère seulement que j’aurai vécu...

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