Sentiers de FoiVolume 01 - no 12

Cinq défis d’avenir pour les communautés alternatives

Sophie Tremblay
Le comité organisateur du colloque Écrire dans la marge a demandé à Sophie Tremblay de réagir aux différents propos tenus lors de l’événement.
Le comité organisateur du colloque Écrire dans la marge a demandé à Sophie Tremblay de réagir aux différents propos tenus lors de l’événement. Nous publions ici sa réaction. Pendant tout le colloque, je me suis mise à l’écoute. Voici quelques observations et défis d’avenir qui se dégagent de la journée. Il s’agit d’une réaction à chaud, à partir de mes préoccupations comme théologienne et comme jeune croyante. 1. Dès l’accueil ce matin, j’ai réalisé que je connaissais dans cette assemblée beaucoup de personnes que je n’avais jamais imaginées ensemble dans un même lieu. À mon avis, ceci reflète bien le manque de liens entre les communautés chrétiennes alternatives. En outre, combien de personnes en recherche ignorent l’existence des groupes alternatifs. Un premier défi d’avenir des communautés serait de mieux communiquer entre elles et de faire connaître leur existence au-delà de leur cercle immédiat, en particulier par le moyen d’Internet. 2. Les communautés alternatives participent à la vie de l’Église et contribuent à la vie de la société québécoise, mais, en même temps, elles se situent à contre-courant de l’une comme de l’autre. En effet, les communautés chrétiennes alternatives manquent souvent de reconnaissance de la part de l’institution ecclésiale. D’autre part, elles font face au fort sentiment antireligieux et anticatholique présent dans la société québécoise. C’est sur un double front que les communautés alternatives « écrivent dans la marge ». Le risque de rejet est doublé, mais les possibilités de construire de nouveaux ponts, plus que décuplées. Voilà un énorme défi de recomposition de la manière chrétienne de vivre pour aujourd’hui et pour demain. 3. Quelque chose de neuf se construit à même les expériences décrites et exprimées pendant ce colloque. Dans l’histoire du christianisme, il s’agit possiblement d’une nouveauté aussi radicale que la sortie de la synagogue au 1er siècle de notre ère. Les communautés chrétiennes alternatives se trouvent du côté de l’instituant plutôt que de l’institué. D’une part, par leur nouveauté et leur éclatement, elles témoignent d’une vie foisonnante mais fragile. D’autre part, les structures instituées de l’Église sont grandement déstabilisées et fragilisées aujourd’hui, même si on trouve des personnes pleines de vie qui y contribuent. Cette condition commune de vulnérabilité nous aide sans doute à voir que l’on n’échappe pas à la question de l’institution. Dans le futur, il faudra aller plus loin dans notre manière de penser et de vivre l’articulation entre instituant et institué dans la conscience vive de notre fragilité personnelle et collective. 4. Dans les structures d’Église, on s’inquiète du manque de relève. Je réalise que ce problème se pose tout autant pour une part importante des communautés chrétiennes alternatives. Le manque de relève correspond à une difficulté à vivre les rapports intergénérationnels. Or les croyants de moins de 40 ans forment une cohorte clairsemée dont la sensibilité contraste fortement avec celle des croyants qui ont grandi dans le Québec d’avant la Révolution tranquille. Leur quête spirituelle trouve refuge dans le repli identitaire, de manière temporaire ou prolongée. Les croyants plus âgés se révèleront-ils capable d’écouter et d’accompagner ces quêtes-là aussi, même si elles présentent certains traits qui les rebutent au départ? 5. Enfin, les communautés chrétiennes alternatives se savent parties prenantes à des changements importants dans l’Église, mais leurs membres en verront-ils les fruits pendant leur existence actuelle? Un changement de paradigme comme celui auquel nous participons s’échelonne sur plusieurs décennies ou plusieurs siècles. Nous n’en savons rien. C’est le contraire de l’idéologie révolutionnaire. J’identifie donc le sens de l’espérance et de la gratuité comme un défi d’avenir : oser marcher dans la confiance qu’il faut avancer dans cette direction maintenant, même si on ne voit pas encore le bout de la route ou le résultat espéré.

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