Sentiers de FoiVolume 09 - no 127

Je te cherche depuis l'aube

Sylvain-Alexandre Lacas
L’Église universelle a amorcé parmi ses membres cette dernière année une importante réflexion humaine, sociale et spirituelle sur la nouvelle évangélisation.
L’Église universelle a amorcé parmi ses membres cette dernière année une importante réflexion humaine, sociale et spirituelle sur la nouvelle évangélisation. Au centre de cette démarche ecclésiale, le besoin de redéfinir l’évangélisation aujourd’hui s’est imposé. Vous conviendrez avec moi que ce mot n’a plus, en 2014, la même portée ni la même profondeur que jadis, mais il demeure néanmoins d’une brûlante actualité. Cette réflexion au sein de la grande famille des chrétiens et chrétiennes souhaitait provoquer une réelle prise de conscience, réorienter la pensée évangélisatrice et lui attribuer un nouveau cadre d’action. En mobilisant les baptisés à ce processus d’humanisation, car il s’agit bien de cela : humaniser pour mieux évangéliser, l’Église a invité généreusement ses fidèles à revenir à la base, aux origines du christianisme en terre de Galilée. Et une des clés de cette réappropriation est l’expression artistique. L’art a en effet cette faculté de transcender la nature, de lui donner une vision, une trajectoire dans le temps et l’espace. Quels qu’en soient l’approche, l’esthétique, le langage, il a cette capacité phénoménale d’arrimer à sa structure poétique une matérialité, une animalité, un souffle. De manière générale, l'art offre un accès privilégié à l’expression de la vie humaine, qu’elle soit intuitive, formelle ou incandescente. Certes, il y a artiste et artiste. Tous ne sont pas du même niveau et ne suscitent pas le même intérêt. Mais certaines disciplines artistiques comme la danse, le théâtre, la musique ou le chant peuvent élever la condition humaine, ennoblir sa nature profonde, la porter à des sommets d’intelligence et de raffinement. Le spirituel, quant à lui, assume la part indicible de l’art, ses aspects invisibles, immatériels, l’envers du décor. Il permet d’en révéler la substance, la quintessence. Lorsque vous associez les deux, vous harmonisez l’être totalement. Vous lui donnez une épaisseur, une ouverture, une direction qu’il n’aurait pas autrement. Le spirituel étant perçu comme le levain dans la pâte, son énergie vitale, l’impulsion créatrice inhérente à toute vie en mouvement. Toutefois, cette connexion au monde spirituel, si belle qu’elle soit, n’est pas pour autant garante de professionnalisme et de probité. Il ne suffit pas d’être habité par la grâce pour que l’on vous reconnaisse comme tel. Encore faut-il maîtriser l’art que l’on prétend défendre. Et inversement, une excellente connaissance du chant et de la voix, par exemple, n’induit pas nécessairement au sublime. Des deux côtés, une douce imposture peut s’immiscer et entraver la démarche. En ce domaine, tout est une question d’intégrité et de générosité; mais aussi d’engagement au service d’un idéal spirituel. Quant à moi, l’art me donne des occasions d’incarner cet appel, et je ne veux pas y répondre de manière incongrue, en dilettante, sans assises spirituelles fortes et signifiantes. Pour y arriver, j’ai compris que je devais ratisser mon propre jardin, pour un jour prétendre toucher le cœur de mes frères et sœurs. Avec Jésus, il n’y a pas de petits ou de grands projets, il n’y a qu’une multitude de chemins d’intériorité à saisir et à proposer. J’ai réalisé que mon travail allait en ce sens, qu’il avait une ascendance sur les personnes, qu’il agissait sur ma qualité de présence et celle d’autrui. Et je ne suis pas le seul, nous sommes plusieurs à proposer des chemins d’intériorité par le truchement des arts. À l’exemple de Madeleine Delisle, instigatrice du projet En_CRÉ à l’UQAM où les participants et participantes font l’expérience intérieure de leur propre quête de sens, j’ai constaté, il y a très longtemps, qu’il n’y avait pas de statut social plus beau que celui d’artiste chrétien. Toutefois, il y a un prix à payer. La précarité financière étant souvent intimement liée à cet état, persévérer, continuer dans cette voie nonobstant les embûches est un lourd tribut à porter. Mais, devant pareille révélation : « Je suis le chemin, la vérité et la Vie… », que dire, si ce n’est, quel trésor dans ma vie! L’art m’a permis d’incarner sur scène et à la radio des personnages vertueux, mais, plus que cela, il a façonné mon âme au point de la rendre plus perméable au souffle divin. Je n’y arrive pas toujours, mais je suis à l’écoute. L’art, lorsqu’il est au service du spirituel, devient un vecteur de croissance de premier plan, un moteur de vie fabuleux, une assurance pour grandir dans la foi. On ne peut parler de spiritualité sans mentionner au passage les artisans de nos églises, sculpteurs, maîtres vitriers, orfèvres, tisserands, qui, par leur travail et leur immense talent, ont orné, embelli, rehaussé le patrimoine religieux québécois. Toutefois, j’estime que les « pierres vivantes », nos communautés chrétiennes, ont trop souvent été mises de côté au profit du patrimoine architectural qu’il fallait sauvegarder. Je ne suis pas contre la restauration des temples, mais la personne humaine devrait avoir la priorité sur toute autre considération, car elle est la dépositaire privilégiée de l’amour de Dieu; et protéger l’être humain en tant que temple du Dieu vivant, c’est protéger Celui qui l’a investi de son amour. Et l’artiste est sur ce point bien placé. Il est un explorateur de conscience et, à bien des égards, un chercheur de beautés. Je te cherche depuis l’aube, ô mon Dieu, et ma bouche chantera éternellement tes louanges.

Articles parus


Je te cherche depuis l'aube

Volume 09 - no 127
L’Église universelle a amorcé parmi ses membres cette dernière année une importante réflexion humaine, sociale et spirituelle sur la nouvelle évangélisation.