Mourir accompagné
L’accompagnement de ceux qui partent, tel était le thème du colloque organisé par le centre Le Pèlerin au collège Notre-Dame, les 14 et 15 mai derniers.
L’accompagnement de ceux qui partent, tel était le thème du colloque organisé par le centre Le Pèlerin au collège Notre-Dame, les 14 et 15 mai derniers. La mort n’est pas un sujet à la mode, pourtant sa réalité est omniprésente dans nos vies, et les nouvelles télévisées en font leur plat principal. Elle nous frôle de près quand on perd un être cher et, en vieillissant, on y pense tous les jours tout en s’efforçant d’être le plus vivant possible. Certaines maladies comme le cancer nous la plantent en pleine face. Comment accompagner ceux et celles qui se retrouvent ainsi à quelques pas de la fin de leur vie terrestre? Les nombreuses personnes ressources mises à contribution lors de cette rencontre qui a réuni près de 200 personnes ont partagé leur expérience d’accompagnement. Les unités de soins palliatifs sont encore trop peu nombreuses chez nous – 150 lits pour la région de Montréal –, mais ce qui s’y vit offre une telle qualité de relations humaines, de présence compatissante qu’on souhaiterait voir ce modèle étendu à tous les hôpitaux et centres de soins.
L’amour prend corps
L’accompagnement dans le respect de l’autre par le biais des cinq sens fut un fil conducteur développé par les intervenants, en particulier par l’abbé Gabriel Ringlet, prêtre, théologien, professeur de journalisme et vice-recteur de l’Université catholique de Louvain, et José Pereira, animateur de pastorale au CSSS de la région de Thetford. C’est l’art de la relation par les sens. « Car l’amour prend corps, s’incarne dans nos sens », dira Pereira. Pour accompagner, il nous faut donc descendre dans les ténèbres de la maladie. Ringlet, auteur du livre Ceci est ton corps, nous parle d’abord du sens de l’ouïe : « Être à l’écoute de l’autre, de la sonorité de la maladie. Entendre son angoisse de nuit. Faire silence pour entendre le clapotis du corps et de l’âme. » Ce qui conduit à un accompagnement qui sonne juste.« Palliatif vient du grec pallion : manteau. Se voiler le visage, voiler sa présence, ne pas envahir l’autre. » Gabriel Ringlet
« Je ne vis que dans le regard de l’autre, poursuit Ringlet, et lorsque je ne reconnais plus mon corps et ne veux plus entrer en relation, c’est le regard de l’autre qui me relève. En soins palliatifs, on regarde surtout le cœur, davantage lorsque le visage est défiguré, méconnaissable. » Le corps peut aussi se mettre à sentir, voire à pourrir. Cela représente un grand défi d’accueil et sème le désarroi dans la famille. On comprend alors le rôle que peut jouer l’aromathérapie. Puis, le soignant comme le cuisinier sont confrontés au goût qui a aussi chaviré. Enfin, le toucher. De nos jours, le toucher lui-même est devenu suspect. Pourtant, « quand je touche, je crée, je recrée, car la caresse apaise, fait exister dans la tendresse. D’ailleurs, Jésus touche, caresse et se laisse toucher », affirme Ringlet. Avec l’ouïe, le toucher est souvent le dernier lien de communication qui reste avant la mort. Le sixième sens serait celui de la présence. Alors, l’accompagnant « sauve le monde à travers la compassion qu’il exprime dans son toucher », selon l’expression de Ringlet. Comment réintégrer la personne éclatée, dispersée, isolée par la maladie? Selon l’expérience des accompagnants, c’est en particulier par la célébration qui, elle, rassemble et unifie. Célébrer avec mots et silences, objets et rituels, musique et parfums, boire et manger, avec poésie. Voilà une session qui a contribué à lever le tabou sur le mourir et a raffermi mon désir de mourir vivant.« En écoutant la parole de l’autre, sa souffrance, on accouche de soi-même ensemble. » José Pereira