Nicole Hamel : femme authentique, créative... et libre!
Nicole Hamel est une femme de cohérence.
Nicole Hamel est une femme de cohérence. C’est la quête d’authenticité qui la propulse, et on voit, à sa démarche décidée, la fougue se dégager d’elle. Nicole Hamel est travailleuse autonome en communication, travail par lequel elle souhaite livrer son expérience. En 1999, avec sa conjointe, elle écrit et publie un livre : L’amour entre femmes dans l’Église catholique. Et CIEL parlait, ce serait l’ENFER? Madame Hamel a d’abord été, pendant des années, agente de pastorale pour le diocèse de Québec. Elle s’est ensuite recyclée en pastorale de la santé pour accompagner les malades. Pour vivre en fidélité avec elle-même, et sortir de l’ostracisme dans lequel l’Église catholique plonge les personnes homosexuelles, spécialement les lesbiennes, elle choisit de devenir membre de l’Église unie. Ce choix incompris lui vaut un congédiement de la pastorale de la santé. Un épisode douloureux, qui la fait rebondir. Depuis, Nicole Hamel n’a plus peur de dire qui elle est, d’être fidèle à la femme qu’elle est. Elle se livre avec vérité, heureuse de partager son parcours hors du commun, vers la liberté...
SDF – D’après vous, comment peut-on à la fois vivre sa foi, faire église et être lesbienne?
N. H. – D’après mon expérience, vivre sa foi chrétienne en lien avec l’Église catholique, c’est possible... mais de façon invisible. D’après ce que je vois chez les gais et lesbiennes qui ont la foi, elle est souvent vécu dans l’isolement. Le fait que le discours officiel ne comprenne pas la réalité de l’amour entre personne de même sexe engendre un désintérêt. Plusieurs vont dire : je ne pratique plus. J’ai ma relation avec Dieu, je prends ce qui me convient. Il y a de la colère aussi. Personnellement ça ne me donnait plus le goût d’aller à l’eucharistie. J’ai perdu confiance en la crédibilité du discours. De plus, souvent, on doit cacher sa vie de couple. J’ai été engagée au diocèse pendant des années. Tout ce temps-là, je disais que je vivais avec une « coloc ». Je ne parlais jamais de ma vie privée, par crainte de perdre mon mandat et mon travail...
SDF – Vous avez choisi de poursuivre votre cheminement avec l’Église unie...
N. H. – Pendant des années, je me suis dit : ça ne se peut pas, un jour ça va changer. À partir du moment où j’ai entendu Jean-Paul II, en 1994, dire, au sujet du sacerdoce des femmes, qu’on n’en parlait même plus, j’ai commencé à comprendre que le discours ne changerait pas de mon vivant. Quand, en 2000, j’ai découvert l’Église unie et que j’ai réalisé que les irritants étaient réglés au niveau institutionnel – ce qui ne veut pas dire que tous les gens des paroisses sont en accord avec les discours officiels, par rapport aux femmes ou à la réalité gaie – pour moi, c’était merveilleux. J’ai trouvé là ce que je cherchais : un confort dans l’expression de ma foi et une place comme femme à part entière.
SDF – Quel est le discours officiel de l’Église unie à propos des gais et lesbiennes?
N. H. – Dans l’Église unie, les hommes et les femmes peuvent être pasteurs, comme les gais et lesbiennes1. Les personnes homosexuelles sont considérées comme un don de Dieu et comme pouvant apporter beaucoup à la communauté. Pas juste être accueillies avec compassion, comme dans l’Église catholique, où on met une partie de la réalité humaine de côté. Dès mon congédiement, le pasteur de ma paroisse m’a demandé de le remplacer. Aujourd’hui, ça va faire 14 fois que je préside un culte du dimanche. Au départ, quand il m’a présentée à la communauté, il a dit : elle a plus de 30 ans d’expérience pastorale, et avec les études qu’elle a, j’ai pensé qu’elle pouvait animer le culte.
SDF – Et le discours de l’Église catholique?
N. H. – Je ne comprends pas. Je trouve ça super que les 19 prêtres aient écrit une lettre de dissidence, que la Conférence religieuse canadienne, qui regroupe plus de 22 000 religieuses et religieux, disent aux évêques : faites quelque chose2! Pour mes amis qui sont encore de l’Église catholique, je trouve ça merveilleux. Quant au discours officiel, je me dis : où est-ce qu’ils vivent, ceux qui écrivent de tels discours? Il y a une « méconnaissance » – souligné et en gras – de la réalité de l’amour vrai entre conjointes de même sexe. Je vis avec ma conjointe depuis 13 ans. J’ai été mariée à un homme pendant plusieurs années. Je vis avec elle ce que j’aurais voulu vivre avec lui. On a inventé un mot pour exprimer la qualité de notre relation : la prochitude. La prochitude du cœur, de l’âme jusqu’à celle du corps. Elle, elle est restée liée à l’Église catholique. Quand j’ai pris ma décision de changer de confession et que j’ai été congédiée, ça a été difficile. J’ai eu peur : je ne voulais pas perdre ma relation avec elle. Maintenant, il n’y a plus aucun problème. On est même allées vers le mariage. En 1993, nous nous étions engagées devant témoins. Onze ans après, jour pour jour, nous avons vécu un mariage civil et chrétien à l’Église unie. Ma conjointe était tout à fait à l’aise avec ce que le pasteur nous proposait : elle se sentait respectée dans ses valeurs. Ça a été un mariage extraordinaire.
SDF – Quel est l’apport des gais et lesbiennes dans les communautés chrétiennes?
N. H. – Quand notre paroisse a décidé de devenir inclusive – ce ne sont pas toutes les paroisses qui le sont, c’est un choix – certaines personnes ont quitté. Parmi celles qui sont restées, j’ai su que certaines n’étaient pas si ouvertes. Notre paroisse vient d’accueillir quelques personnes. Quand, à l’accueil, ces personnes ont dit à la communauté que c’était par le groupe Entre nous3, un groupe de spiritualité de la paroisse pour les personnes gaies et lesbiennes, qu’elles avaient connu la paroisse, ça a été un révélateur. J’ai vu la réaction positive de quelques paroissiens qui estimaient déjà beaucoup ces personnes-là. On a fait un pas de plus vers l’accueil. On n’a rien à perdre à accueillir les gais et lesbiennes! Ce sont des personnes qui s’impliquent beaucoup et qui font preuve de beaucoup de créativité. La seule façon d’apprendre à les découvrir, c’est à leur contact...
SDF – Votre foi a été déterminante?
N. H. – Dieu est présent, il m’accompagne dans ma vie. L’Esprit Saint m’a aidée à faire des choses que je n’aurais pas été capable de faire. Depuis que j’ai perdu mon emploi, je développe ma créativité. Je lui fais de plus en plus confiance. C’est fascinant. Je suis une femme de cohérence, toujours à la recherche de la vérité. Et j’ai fait des choix dans ma vie pour être en contact avec ces valeurs profondes en moi... en lien avec ma foi.